Plaidoyer pour les « mauvaises herbes »

Apprenons à ne plus les considérer comme nos ennemies… par Moutsie

Dans les jardins, on a l’habitude de combattre les plantes sauvages qui poussent en compagnie de nos légumes cultivés comme si elles étaient nos ennemies. Alors que la nature est ainsi faite que chaque morceau de terrain nu se recouvre inévitablement d’un tapis de verdure. Des milliers de graines sont en dormance dans le sol et attendent le moment propice. Germeront en priorité celles qui ont besoin d’un sol nu et aéré pour se développer. On les appelle les « adventices » des cultures ou plus communément « les mauvaises herbes ». Pourquoi mauvaises ?

Elles dérangent par leur arrogance à pousser là où on ne les a pas invitées et par leur caractère parfois un petit peu trop rebelle !

On les accuse, d’être en concurrence avec les plantes cultivées pour la lumière, l’eau et les éléments nutritifs du sol, d’étouffer les semis et même les plantations et d’héberger des hôtes indésirables (le mouron est l’hôte de la mouche blanche).

Si ce côté « envahissant » est bien connu, leurs nombreux avantages sont eux méconnus.

Les plantes sauvages ont chacune des exigences pour leur développement. Elles sont donc d’excellentes indicatrices des propriétés des sols, telles que la richesse ou l’acidité du sol, la présence de calcaire ou d’azote, l’excès d’humidité ou la présence d’un terrain asphyxié. Elles nous enseignent l’indispensable lecture du sol pour connaître la terre de nos jardins.

Un tapis d’herbes sauvages est une couverture qui protège la terre des agressions du froid, du soleil et du lessivage par la pluie des éléments nutritifs.

Par le travail de leurs racines, elles aèrent et améliorent la texture du sol. Elles puisent en profondeur de précieuses substances nutritives qui se retrouvent dans la plante. Lorsque la plante meurt ces substances vitales sont libérées et mises à disposition pour la génération future par le biais de la décomposition. Celle-ci s’effectue grâce à tous les micro et macro organismes qui vivent dans la couche supérieure du sol, l’humus. Bactéries, champignons, vers de terre et des milliers d’autres de ces habitants que tout le monde ignore alors qu’ils sont bien plus nombreux que ceux vivant sur la terre participent à la transmission de ces éléments vitaux.

La vie microbienne est la base de la fertilité du sol. Les plantes sauvages la favorisant permettent donc aux autres plantes dont les légumes cultivés, d’assimiler les éléments nutritifsnécessaires à leur croissance.

L’usage d’herbicides détruit tout ce petit peuple de l’ombre qui travaille en silence. Ils ne pourront plus participer à l’enrichissement naturel du sol. C’est alors que les dopants chimiques font leur entrée. Ils ne sont pas aussi bien équilibrés que les substances naturelles que les plantes puisent d’elles mêmes dans le sol. Ils bloquent la synthèse des vitamines et leur possible absorption par les

légumes qui deviennent plus sensibles aux attaques parasitaires. Et voilà que les pesticides viennent au secours des plantes et tuent tout sur leur passage. C’est le cercle infernal !

Lors d’un désherbage, profitons de la présence de ces adventices et de leur richesse en substances nutritives pour les redonner à la terre en les laissant sur place en un paillis (appelé « mulch ») qui limitera la pousse de nouvelles herbes. Elles peuvent aussi être compostées mais avant leur montée en graines.

Par leur floraison, elles sont moins « tape à l’ceil » que toutes les fleurs ornementales qui ont été « améliorées » pour le plaisir des yeux. Mais beaucoup de ces dernières sont dépourvues de nectar et de pollen et donc n’attireront ni les papillons, ni les indispensables insectes pollinisateurs de nos fruits et légumes. Ouvrons les yeux, et regardons les ! Beaucoup dévoilent une discrète mais non moins délicate floraison : myosotis, pensée sauvage, fumeterre, véronique et le joli coquelicot qui a déjà presque disparu des campagnes aux cultures intensives. Elles offrent le couvert, mais aussi le gîte à de nombreux insectes amis du jardinier qui se nourrissent des insectes amateurs de nos tendres légumes. N’oublions pas les oiseaux qui se nourrissent de leurs graines, de leurs fruits et des larves d’insectes qui y ont trouvés refuge.

Elles contribuent à la mise en place d’un équilibre naturel par la lutte biologique spontanée qui s’opère entre les plantes et les êtres vivants partageant un même espace. Elles augmentent labiodiversité qui est un principe fondamental de la vie sur terre.

Et beaucoup de ces plantes sauvages sont comestibles et/ou médicinales.

Pourquoi autant d’indifférence, voir de mépris, pour ces légumes qui sont mis gratuitement à notre disposition et qui sont beaucoup plus riches en substances nutritives que lis légumes cultivés 7 parce qu’il est difficile d’imaginer manger une salade de carotte au « mouron blanc » ? ou de penser qu’une quiche aux c chénopodes » soit aussi bonne qu’une quiche Lorraine ? Détrompez vous, il y a tant de saveurs nouvelles à découvrir !

Pourquoi courir à la pharmacie lorsque la fatigue se fait sentir pour y acheter des compléments vitaminés alors que certaines herbes sauvages renferment de très nombreux éléments nutritifs (minéraux, vitamines, chlorophylle, protéines et acides aminés) qui sont naturellement équilibrés et donc parfaitement assimilables par l’organisme ? De plus, elles sont gratuites.

Simple méconnaissance ou pression des laboratoires pharmaceutiques ?

Mais pour cela, il faut les connaître ! Eh oui nos grand mères ne nous ont pas toutes transmis ce savoir ancestral. Telle la cueillette des champignons, la cueillette des plantes sauvages nécessite que l’on affine son regard, rien de plus.

En résumé

Les herbicides et pesticides appauvrissent les sols en tuant leur vie microbienne qui joue un rôle

En détruisant le couvert végétal ainsi que tous les insectes et la faune du jardin, aucun équilibre ne peut plus s’établir entre les insectes consommateurs de nos légumes et leurs prédateurs. Ils polluent les nappes phréatiques et empoisonnent le jardinier et sa famille. La mort des sols est une mort silencieuse, mais très inquiétante.

Les engrais chimiques, par leur excès d’azote surchargent les légumes et l’eau en nitrates, modifient l’évolution naturelle des végétaux qui sont affaiblis et plus sensibles aux maladies. Ils sont extrêmement polluants et dangereux également lors de leur fabrication (usine type AZF).

Tous ces produits perturbent l’équilibre écologique des sols, sont chers, polluants, dangereux et ne profitent réellement qu’aux multinationales et à l’agro-industrie. A quand la généralisation des stations de compostage, moins dangereuses, plus économes et plusrespectueuses de l’environnement ?

Chacun peut composter ses propres déchets organiques (épluchures) contribuant ainsi à un enrichissement direct et naturel de son jardin.

Il est possible d’entretenir son jardin en adoptant une attitude de coopération avec la nature. Enlevons les herbes qui poussent là où nous voulons mettre nos salades, mais pas d’acharnement obsessionnel, juste là où elles dérangent et surtout pas d’herbicide ! Laissons au maximum les

légumineuses (trèfles, luzernes) qui enrichissent le sol en azote. Elles pourront même être semées en engrais vert, technique qui mérite d’être développée (consiste à semer une plante coure-sol qui pourra par la suite être incorporée à la couche supérieure pour favoriser la vie microbienne).

Nous devons remettre en question notre vision de « l’entretien » d’un jardin. Ce réflexe d’arracher ou de détruire ces herbes est ancré si profondément en nous qu’il en est devenu inconscient. Rééduquons notre regard face à ces plantes qui ne doivent plus être considérées comme nos ennemies. Assumons l’étonnement que provoque la vue d’un jardin paraissant non entretenu,

sans en avoir honte ! Pourquoi le jardin ne serait-il pas un lieu de vie, et non un milieu

aseptisé ou la peur du sauvage correspond à la peur de l’étranger, de l’envahissement, du

non-contrôle, du pas-propre ou pas-joli…

La biodiversité commence au pas de sa porte, dans son propre jardin. N’agissons pas contre la nature, mais avec elle.

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