Culture en butte

de DOROTHEE AUER ET YVES PERRON

article dans Les Quatre saisons du Jardinage: n°13, mars-avril 1982.

Nous avons expérimenté cette méthode de jardinage « inventée » et pratiquée Outre-Rhin et qui permet d’obtenir de très beaux légumes sur de très petites surfaces.

Si vous habitez en ville, si vous disposez d’un petit jardin, ou bien si vous avez peu de temps pour la prépa­ration du sol et l’entretien des cultures, ou bien si comme nous, vous désirez obtenir de plus beaux légumes, la culture en butte vous intéresse sans doute.

Petite histoire de la« Hügelkultur »

Hans Beba* est mort en 1981. Son jardin, à Hemmenhofen au bord du lac de Constance en Allemagne du Sud, attirait des visiteurs du monde entier venus admirer la beauté des cultures obtenues sans traitements et sans ap­ports d’engrais grâce à cette méthode.

Hermann Andrâ, inventeur de la méthode, développée ensuite par Hans Beba, avait observé dans un coin de son jardin un tas de gravas sur lequel la végétation poussait merveilleusement bien : une courge en particulier et même de petits arbres prospéraient sans même avoir été semés. Il en tira l’idée de construire une butte à l’aide de toutes sortes de déchets et débris orga­niques sur place. Il a ensuite perfection­né cette méthode au cours de nom­breuses années et sous différents cli­mats.

Comment construire une butte de culture? 

On peut construire plusieurs buttes selon ses besoins : avec un jardin de 200 m2 cultivé en buttes, Hans Beba arrivait à couvrir largement ses besoins annuels en légumes et petits fruits. Il est conseillé de faire par exemple 1 ou 2 buttes chaque année, car c’est en géné­ral à la deuxième année qu’on obtient les meilleurs résultats et la nature des cultures varie avec l’âge de la butte.

* Hans Beba – Hermann Andrü – Hügelkultur, Die Gartenbaumethode der Zukunft – Waertand Vertag – 6800 Mannheim 1 5` édition – 1976.

La meilleure saison pour faire une butte, est assurément l’automne ou le début de l’hiver, afin de profiter de tout ce que la Nature met généreusement à notre disposition comme feuilles mortes, branches mortes,etc. et aussi afin de permettre à la butte de se tasser un peu pendant l’hiver.

On choisira comme emplacement de la butte un coin de terre inculte, de préférence enherbé et bien exposé au soleil.

Tracer sur le sol les limites de la butte (cordeau) : largeur 1,60 m envi­ron, longueur illimitée (à condition de ne pas aller chez le voisin !).

Orienter la longueur dans la direction nord-sud, de façon à ce que les deux versants de la butte bénéficient à peu -près du même ensoleillement.

Tout d’abord, avec une bêche plate, enlever les mottes d’herbes par carrés d’une largeur de bêche sur toute la largeur de la butte et les mettre de côté.

Enlever ensuite de la terre de façon à obtenir une tranchée de 15 à 30 cm de profondeur.

Mettre de côté la terre de surface si elle est assez fine et riche en humus (présence de vers de terre). C’est le moment de construire le « coeur du réacteur »: disposer au centre, sur une largeur de 60 cm et sur une hauteur de 40 à 50 cm, des branches mortes coupées en morceaux de 30 cm maxi­mum, de brindilles, tiges lignifiées de différentes espèces (tournesol, maïs…), même des orties .

Pour les branches, mélanger les espèces feuil­lues et ne pas mettre un trop fort pourcentage de résineux. Laisser à chaque extrémité un espace égal à la hauteur de la future butte, soit environ 1 mètre, ceci constituera le noyau cen­tral de la butte.

Sur cette couche, placer ensuite les mottes d’herbes retournées et combler les vides avec un peu de terre. Placer ensuite des feuilles mortes, les plus humides possible sur une épaisseur de 30 cm environ et tasser légèrement.

A défaut de feuilles mortes, on peut utiliser de la paille ou du foin humides ou en décomposition (ou même du fumier très pailleux). Recouvrir de quelques centimètres de terre cette dernière couche.

La troisième couche est constituée de compost grossier assez mûr (riche en vers de terre), sur une épaisseur de 15 cm.

Enfin, recouvrir le tout de 15 cm de terre très fine et fertile mélangée avec du compost très mûr et tamisé. Quant à nous, nous avons utilisé pour cela la terre très fine des taupinières qui abon­dent dans notre pré. Tasser le tout modérément, pour que la première pluie ne provoque pas trop de ravine­ments. La pente de la butte ne doit pas être excessive sous peine de voir les jeunes semis entraînés par la pluie. La butte ainsi terminée mesure, d’après Hans Beba, 1 mètre de haut (les nôtres étaient moins hautes).

Plantation de la butte

La butte est un exemple de cultures associées car on plante ou on sème en « cercles » concentriques les différentes espèces : carottes, salades, oignon, etc.

Veiller à faire de bonnes associations en ce qui concerne l’enracinement, le be­soin d’ensoleillement et les compatibili­tés naturelles des différentes espèces. A titre d’exemple (mais non à titre de modèle) voici les cultures que nous avons pratiquées cette année sur une butte construite en automne 1980 (donc, première année de culture).

lere rangée : radis précoces + ca­rottes,

2e rangée : oignons plantés à partir de petits bulbes,

3e rangée : salades et choux de Chine,

sommet de la butte : tomates + potirons doux + coriandre.

Après expérience, nous ne conseille­rions pas de planter des potirons doux sur la butte car ils prennent trop de développement et ont tendance à étouffer les autres cultures. Hans Beba recommande de faire varier la nature des cultures avec l’âge de la butte : les quatre premières années il cultivait des légumes. Les cinquièmes, sixièmes an­nées, des fraises. Après la sixième année, il plantait des arbustes à petits fruits, groseilliers, framboisiers, etc.

Les résultats

Hans Beba obtenait sur ses buttes des rendements nettement supérieurs à ceux de la culture

« à plat » : les plantes, bien nourries, prospèrent très bien et sont théoriquement peu atta­quées par les parasites divers, insectes ou champignons.

En fait, nous n’avons pas obtenu, cette année, d’aussi bons résultats : les tomates en particulier ont été attaquées par la pourriture brune, ce qui a compromis la récolte en l’absence de traitement; mais peut-être cela était-il dû à l’emploi d’un compost trop jeune et à un automne assez pluvieux. Pour les autres cultures, nous avons obtenu des résultats sensiblement supérieurs à ceux obtenus en culture « à plat », en particulier au printemps.

La butte disposant d’une source de chaleur dûe aux matières organiques en décom­position se comporte un peu comme une couche chaude, ce qui assure un , démarrage et une croissance très ra­pides des premiers semis. On pourrait envisager de recouvrir la butte d’un tunnel plastique pour éliminer les ris­ques de gelées tardives.

Nous avons constaté également que les plantes aromatiques prospéraient très bien sur la butte : un pied de lavande planté à l’automne 1980 a pris un très beau développement. Toujours d’après notre expérience, il vaut mieux éviter de cultiver sur la butte des plantes envahissantes ou qui prennent un trop grand développement tels que potirons en tous genres, choux…

Les campagnols aussi aiment bien les buttes. Ces rongeurs ont élu domicile dans les nôtres qui leur offraient le gîte et le couvert. Ils ont apprécié particuliè­rement les carottes, oignons, salsifis, betteraves rouges et même le persil, et nous avons dû recourir à des moyens extrêmes pour les éloigner. Il convient donc d’être très vigilant dans les jardins déjà infestés par ce rongeur.

A l’actif de la culture en butte, il faut mettre un entretien très réduit : pas de bêchage ni d’apport de fertilisation pendant toute la durée de vie de la butte : nous nous contentons d’un coup de houe et de rateau avant de semer au printemps. Comme en culture « à plat », il est conseillé de pratiquer le mulchage et la culture d’engrais verts pour éviter de laisser le sol à nu : nous avons semé de la coriandre ce prin­temps entre les rangs.

Signalons enfin que si les légumes prospèrent bien, les mauvaises herbes aussi, et surtout la première année de culture.

butte

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